dimanche 31 octobre 2010

Biutiful


A Barcelone, Uxbal vit de l'exploitation de travailleurs clandestins tout en élevant avec dévotion ses deux enfants. Condamné par la maladie, il doit affronter jusqu'à la fin de ses jours un destin contraire.

Cette quatrième réalisation d'Iñárritu marque une rupture dans l'œuvre du réalisateur mexicain. Le scénariste Guillermo Arriaga n'est cette fois plus de la partie, et contrairement à ses précédents films qui s'ingéniaient à croiser les destins (Amours Chiennes, 21 Grammes, Babel), Biutiful suit l'histoire d'un seul personnage.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le sort s'acharne sur Uxbal : condamné par un cancer, il ne peut compter ni sur son épouse, bipolaire imprévisible et dangereuse, ni sur son frère qui ne se prive pas pour coucher avec elle. Avant de partir, Uxbal tente tant bien que mal de mettre un peu d'ordre dans sa vie. Le tout dans le gris et la tristesse des bas-fonds de la capitale catalane, très loin du Barcelone de carte postale que le cinéma a l'habitude de nous montrer.

Aussi désespérée soit-elle, il se dégage de cette œuvre une réelle force : la noirceur de Biutiful a quelque chose d'hypnotique et d'envoûtant, et le film irradie de ces rares lueurs d'espoir qui le traversent. Le mérite en revient en grande partie à Javier Bardem, charismatique et saisissant de bout en bout, dont l'interprétation toute en retenue a été récompensée au festival de Cannes. Mais il serait injuste de passer sous silence la grande qualité de la réalisation, dont l'engagement confère à chaque plan une prodigieuse intensité.

On se demande dès lors pourquoi Iñárritu n'a pas choisi de faire confiance à son cinéma plutôt que de noyer son film sous un flot incessant de misère humaine. Car là est bien le principal problème de Biutiful : une démonstrativité misérabiliste de tous les instants qui, distribuée sur plus de deux heures, en finit par être vraiment gênante. A trop charger la barque, elle finit par couler... Biutiful n'en est pas là, mais on ne peut s'empêcher de rêver du grand film qu'il aurait pu être si son histoire s'était contentée d'un peu plus de sobriété.

Verdict :

jeudi 21 octobre 2010

Les Petits Mouchoirs


Alors que l'un d'eux est coincé sur un lit d'hôpital à la suite d'un grave accident de scooter, une bande de copains décide de maintenir malgré tout leurs traditionnelles vacances au Cap Ferret.

Il n'a de cesse de le répéter, Guillaume Canet a mis dans Les Petits Mouchoirs ce qu'il avait de plus personnel. Les Petits Mouchoirs est SON film, c'est aussi son œuvre la plus ambitieuse à en juger par son casting quatre étoiles, sa durée (2h34), son sujet fédérateur et sa sortie sur plus de 550 copies. Et de l'ambition, il en fallait pour s'attaquer au film de potes, genre dans lequel le cinéma français a déjà quelques sérieuses références.

Guillaume Canet peut être fier de son coup. Certes, les Petits Mouchoirs est loin d'être exempt de défauts. Ainsi, il n'échappe pas à l'inévitable écueil d'un film aussi choral , réduisant chacun de ses personnages à un simple trait de caractère. Trop de fois, il cède également à la facilité, appuyant chaque scène d'émotion d'une ballade mélancolique, ou exploitant à l'extrême un filon comique (la relation Cluzet-Magimel) qui relève plus de l'impasse scénaristique. L'écriture n'est ni assurée, ni aboutie, la mise en scène pas toujours adroite... mais qu'importe.

On pardonne volontiers ces petits défauts : on n'a pas tous les jours l'occasion de voir un film d'une aussi désarmante sincérité. S'il n'a de complaisance pour aucun d'entre eux, Canet aime ses personnages de trentenaires bourgeois un peu paumés et, pour notre plus grand plaisir, prend le temps de réserver à chacun son petit moment de gloire. Le plus souvent, c'est franchement désopilant, à l'image de cette colère noire de Marie (Marion Cotillard) chahutée par ses amis au cours d'une activité nautique, ou de la guerre sans merci que livre Max (François Cluzet) aux fouines cachées dans les murs de sa propriété. Mention spéciale, au passage, à l'ensemble des interprètes, tous excellents sans exception.

A en juger par le nombre d'éclats de rire, l'aspect comédie est donc des plus réussis. Mais Guillaume Canet - malgré les imperfections évoquées ci-dessus - fait aussi preuve de savoir-faire dans un registre plus dramatique. Ce séjour au Cap Ferret est ainsi l'occasion de détailler, à travers les petits ressentiments des uns et des autres, la complexité de la notion d'amitié. Surtout, il se dégage une réelle émotion d'une dernière partie (pourtant un rien facile) pleine de sensibilité, qui nous invite à une réflexion sur notre rapport aux autres.

Guillaume Canet est encore loin d'être un scénariste et un metteur scène accompli. Mais il s'affirme dans Les Petits Mouchoirs comme un auteur touchant, d'une grande sincérité. Cela suffit largement à notre bonheur.

Verdict :

dimanche 17 octobre 2010

The Social Network


A l'université d'Harvard, l'histoire mouvementée de la naissance du réseau social Facebook, et de son créateur Marc Zuckerberg.

En moins de dix ans, Facebook s'est installé dans le quotidien de centaines de millions d'internautes. Pendant ce temps, Marc Zuckerberg, son polémique créateur, est devenu le plus jeune milliardaire du monde. Il n'en fallait pas plus à l'industrie du cinéma pour s'emparer de cette incroyable success story, dont on avait tout de même un peu de mal à imaginer qu'elle puisse être cinégénique. Mais de David Fincher, l'homme qui nous a offert une des œuvres les plus captivantes de ces vingt dernières années avec Fight Club, on pouvait attendre un grand film. Et The Social Network est, sans aucun doute, un très grand film.

Servi par un excellent scénario d'Aaron Sorkin et une BO obsédante signée Trent Reznor, Fincher structure son récit par un procédé de flashbacks/flashforwards permanents entre le campus d'Harvard et les cabinets d'avocats, où se jouent les négociations autour du contentieux Facebook. Cela aurait pu être confus et un peu surfait, c'est au contraire parfaitement maîtrisé et passionnant de bout en bout. Ce jeu de mise en abîmes donne à The Social Network une intensité tragique violente et inattendue, où se mêlent pouvoir, argent et trahison.

Un choix de narration qui contribue également au rythme effréné du film. David Fincher a compris qu'il ne pouvait se permettre d'aller autrement qu'à 300 km/h pour raconter l'histoire d'une ascension aussi soudaine et fulgurante. Les répliques fusent, les rebondissements s'enchaînent : les deux heures du film filent sans jamais laisser le temps au spectateur de reprendre son souffle... A l'exception notable de la scène finale, nettement plus posée, et de ce superbe plan où Zuckerberg tape frénétiquement sur la touche F5, comme pour symboliser un monde qui ne sait plus vivre qu'à l'échelle de la milliseconde.

D'ailleurs, c'est bien cet anti-héros qui intéresse Fincher plus que la genèse de Facebook elle-même. Plus motivé par la gloire que par l'argent, Zuckerberg est montré comme un personnage fascinant car insaisissable, dont le génie autant que les frustrations semblent avoir anéanti toute forme d'empathie. Dans ce registre peu évident, Jesse Eisenberg réalise une performance remarquable, incarnant parfaitement ce que son rôle doit avoir de dramatique et d'inquiétant.

Un film majeur, incontestablement.

Verdict :

dimanche 10 octobre 2010

Les Amours Imaginaires


Marie et Francis se connaissent depuis toujours. Ils tombent tous deux amoureux de Nicolas. Un sentiment qui n'est réciproque ni pour l'un, ni pour l'autre, mais qui va transformer leur amitié en rivalité .

Pour sa deuxième réalisation après le remarqué J'ai Tué Ma Mère, Xavier Dolan traite d'un thème sur lequel le cinéma a déjà dit énormément de choses : le triangle amoureux. Soit l'histoire de deux amis, Marie et Francis, qui vont s'enfermer dans un amour vain pour un bellâtre blond. Si ce point de départ est des plus classiques, ce jeune réalisateur québécois (vingt-et-un ans seulement !) ne manque ni de style, ni d'idées pour en tirer des développements originaux et parfois émouvants.

Les Amours Imaginaires est une œuvre d'un esthétisme formel pop et surprenant (la BO va de France Gall à Vive la Fête en passant par House of Pain), dont on ne sait trop si on doit la trouver kitsch ou branché. De longs ralentis sur fond de Dalida interprétant Bang Bang, il fallait tout de même oser ! Le film multiplie ainsi les effets de style pour illustrer de très belle manière l'attente, les espoirs et les doutes de ses protagonistes. Un choix de réalisation qui nous vaut quelques instants de pure magie, à l'image de cette scène de fête où Marie imagine, au rythme des stroboscopes, l'objet de son désir en statue grecque.

L'autre excellente idée du film est de nous montrer le témoignage d'anonymes sans aucun rapport avec les héros de l'histoire. En plus d'être d'une spontanéité et d'un humour réjouissants, ces instants de vérité face-caméra apportent un contrepoint ancré dans le réel face à une trame principale toute en non-dits, faite d'illusions, de métaphores et de fantasmes.

On ne peut toutefois s'empêcher de penser que Dolan gagnerait à échanger plus de consistance dramatique contre moins de démonstration formelle. Les Amours Imaginaires se complaît dans son propre style pour mieux dissimuler la faiblesse d'un scénario qui, il faut bien le reconnaître, tourne rapidement en rond. C'est d'autant plus regrettable que l'on décèle dans certains dialogues un vrai talent d'écriture ("c'est ça l'important, la cuillère..."). On se consolera avec l'éblouissante interprétation de Monia Chokri, très émouvante en amoureuse aussi cynique que vintage.

Verdict :

dimanche 3 octobre 2010

The Town


En bref...

Ben Affleck nous gratifie d'un thriller classique et efficace où se croisent les thèmes de la rédemption et du déterminisme. A voir notamment pour la force des scènes de braquage.

Verdict :