dimanche 30 octobre 2011

Les Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne


En achetant la maquette d'un trois mâts, Tintin se lance dans une aventure qui va le mener à la recherche d'un mystérieux trésor.

Trente ans que Steven Spielberg avait en tête l'idée de porter sur grand écran les aventures du célèbre reporter. C'est dire toute l'impatience et la fébrilité qui pouvaient habiter les tintinophiles du monde entier au moment de découvrir cette déclinaison cinématographique du Secret de la Licorne.

Une adaptation très particulière, puisque tout le film est réalisé en motion capture. Déjà utilisée sur l'Avatar de James Cameron, cette technologie permet d'animer des images de synthèse en reproduisant les mouvements d'acteurs bien réels. D'une certaine manière, le résultat est fidèle à la fameuse ligne claire d'Hergé. Mais cette technique paraît ici perfectible à bien des égards : si les décors, riches et colorés, sont une véritable source d'émerveillement, les personnages pâtissent de regards terriblement désincarnés.

Au-delà de ce constat mitigé, c'est plus encore l'atmosphère générale du film qui a de quoi laisser perplexe. On ne reprochera pas aux scénaristes d'avoir retouché le matériau original, bien obligés de synthétiser trois albums pour tenir sur la durée d'un long métrage. Mais il est permis d'être plus sceptique quant à la mise en scène américanisée de Steven Spielberg : son Tintin se résume à une assommante succession de scènes d'action n'ayant qu'un lointain rapport avec le parfum de mystère et d'aventure qui caractérise l’œuvre d'Hergé. Que dire de cet invraisemblable combat de grues qui n'aurait pas dépareillé dans l'Agence Tous Risques ? Ou encore de cette affligeante scène où le capitaine Haddock rote dans le réservoir d'un avion en chute libre ? De cette frénésie made in USA, il ne découle paradoxalement qu'un ennui profond.

Restent quelques jolis moments de bravoure, à l'image de l'abordage de la Licorne, traversée par un souffle épique qui fait cruellement défaut au reste du film. Au-delà d'une déception bien légitime, on pourra aussi se demander si le fait de vouloir adapter Tintin est une si bonne idée. Insipide et désuet, ce héros n'est jamais qu'un prétexte narratif dont les épaules sont peut-être un peu trop frêles pour un grand film d'aventure. Vouloir en faire une star de cinéma est forcément un pari risqué : le respecter, c'est aussi le desservir ; le moderniser, c'est aussi le trahir.

Verdict :

mercredi 26 octobre 2011

Polisse


A Paris, une photographe est propulsée dans le quotidien de la Brigade de Protection des Mineurs.

Les choses sont parfois simples. Maïwenn tombe un jour sur un reportage consacré à la Brigade de Protection des Mineurs, et se dit qu'elle tient là une belle idée de film. Un stage d'immersion à la BPM et un tournage plus tard, elle se retrouve à Cannes, où la critique réserve à son Polisse un accueil des plus favorables. Et se voit finalement attribuer un Prix du Jury bien mérité, sous l'œil bienveillant du grand Robert de Niro. Pour sa première semaine d'exploitation en France, Polisse réalisera un démarrage fulgurant, attirant 636 000 spectateurs dans les salles obscures...

Le sujet, c'est le moins qu'on puisse dire, est du genre rassembleur. Mais ce n'est pas tant le travail de la BPM - pour lequel un plaidoyer semblerait vain - qui intéresse Maïwenn que la manière dont le quotidien de ces gens est impacté par l'horreur ordinaire. "Ca me tord" lâche Fred (Joeystarr) dans un soupir, nerveusement épuisé par sa journée. Tout le film semble traversé par cette sensation viscérale. Pendant plus de deux heures, Polisse alerte, questionne, et montre à quel point ces gens sont cabossés par le simple exercice de leur métier ("je suis peut-être un briseur de vie").

La tonalité de l'ensemble n'est pourtant pas entièrement grise, permettant au film de s'extraire d'un misérabilisme embarrassant. Bien sûr, les interrogatoires sont glauques, les arrestations éprouvantes. Mais le rire se manifeste souvent où on ne l'attend pas, vécu comme une délivrance salutaire. Difficile de garder son sérieux quand une ado explique, avec un naturel édifiant, ne pas avoir de problème avec le fait de sucer pour un portable. En montrant ces instants de tension autant que de complicité, Maïwenn parvient à donner corps au groupe, faisant une admirable démonstration de sa fonction d'amortisseur émotionnel.

Mais la grande générosité de Polisse est, malgré son sujet quasi-documentaire (chaque scène est inspirée d'un fait réel), de ne jamais renoncer à la recherche d'une forme d'énergie brute. Par son interprétation d'abord, chaque acteur (Joeystarr et Karin Viard en tête) semblant se livrer totalement à son rôle. Mais surtout par ses choix de mise en scène. Dialogues hurlants d'authenticité, réalisation caméra au poing et montage bouillonnant, Polisse est une œuvre incroyable de rage et de fureur. Un film d'une grande force, qui vous empoigne dès les premières secondes pour ne vous relâcher qu'à la toute fin.

Verdict :

dimanche 23 octobre 2011

The Artist


Hollywood, fin des années 20. Les destins croisés de Georges Valentin, star du cinéma muet, et de Peppy Miller, une jeune et ambitieuse figurante.

Tout a été dit, ou presque, sur l'audace de ce projet de Michel Hazanavicius, réalisateur des excellents OSS 117. Film muet, en noir et blanc et au format 4/3, The Artist ne manque pas de singularité à l'heure où les effets numériques semblent ne laisser aucune limite à l'imagination. De quoi effrayer le grand public que souhaiterait toucher cette œuvre... si ce n'était la présence de l'acteur français le plus bankable du moment.

Si dans un premier temps, notre confort de spectateur est un peu bousculé par cet extraordinaire voyage dans le passé, on est bien vite conquis par la qualité générale du matériau. Reconstitution irréprochable, cadrages étudiés, et noir et blanc plutôt esthétique... The Artist, c'est vraiment du bel ouvrage. Mais la grande force du film, ce sont avant tout ces interprètes : Jean Dujardin évidement, aussi talentueux dans le plus pur cabotinage que dans un registre plus dramatique, mais aussi Bérénice Béjo, pétillante dans ce rôle de jeune actrice.

Passé l'agréable moment de la découverte, on a pourtant bien du mal à totalement se passionner pour The Artist. Très appliqué dans son hommage, Hazanavicius en oublie presque de raconter une histoire. A l'image de cette scène de rêve où les objets se prêtent les uns après les autres à d'inattendues manifestations sonores, on aurait aimé que ce film soit là où on ne l'attende pas. Il n'en est rien : l'histoire d'amour sur laquelle est basée le scénario est bien trop balisée et prévisible pour éveiller notre intérêt. Et la centaine de minutes que dure la projection finit par sembler bien longue...

Un très bel objet de cinéma, définitivement trop lisse pour qu'on l'aime sans réserve.

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dimanche 16 octobre 2011

Le Skylab


Pendant l'été 1979, alors que le Skylab (un satellite américain) menace de s'écraser sur la France, une grande famille se réunit en Bretagne pour fêter l'anniversaire de la grand-mère.

Julie Delpy nous embarque dans cette escapade bretonne sans d'autre prétention que de recréer l'ambiance d'une réunion de famille à l'orée des années 80 : pendant que les adultes boivent, rient et s'engueulent, les enfants jouent, se chamaillent et, pour certains, vivent leurs premiers émois amoureux.

Une ambition des plus modestes pour ce film choral, qui accouche pourtant d'un résultat inespéré. Le Skylab est un film incroyablement juste, qui a la douceur, la drôlerie et la légèreté des souvenirs d'enfance. Sans pour autant tomber dans une nostalgie béate : loin d'être un havre de paix, la famille y est aussi montrée comme un conglomérat improbable - et parfois explosif - de personnalités qui n'ont pas grand chose en commun.

Bénéficiant d'une brochette d'acteurs de talent (Eric Elmosnino, Noémie Lvovsky, l'inénarrable Vincent Lacoste...), ce film fait un bien fou. A défaut de pouvoir remercier Julie Delpy de vive voix à la sortie de la séance, on aura le cœur de chanter la Ballade des Gens Heureux...

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dimanche 9 octobre 2011

Drive


"The Driver", jeune homme solitaire et peu bavard, est cascadeur pour le cinéma. La nuit, il sert de chauffeur pour des truands en respectant un code de conduite très précis. Il fait un jour la rencontre de sa voisine pour laquelle il se prend rapidement d'affection. Une rencontre qui va faire basculer sa vie...

En assumant pleinement de glaçants accès de violence et un scénario que l'on pourrait croire écrit pour une série Z, Drive ne cherche pas à faire croire qu'il est autre chose qu'un film de genre. A en juger par son générique en lettres roses et sa bande son synthétique, il semble même revendiquer sa filiation à un certain cinéma des années 80. Mais, sans jamais trahir ce matériau d'origine, Nicolas Winding Refn réussit des miracles de mise en scène pour transcender son sujet et en faire un objet de cinéma qui tutoie en permanence la perfection.

Car le style et la virtuosité sont ici de chaque image. Il n'est besoin que d'une séquence pré-générique pour comprendre à quel point l'expérience Drive s'avèrera, de ce point de vue, exceptionnelle et inoubliable. En réinventant la scène de poursuite sous la forme d'un ballet automobile où le poids du silence contribue à l'élaboration d'un insoutenable suspense, le réalisateur danois réalise une véritable démonstration de maîtrise, prenant le contrepied magistral d'un cinéma voulant aller toujours plus vite.

Si les dialogues sont ici réduits à leur plus simple expression, c'est pour mieux exploiter l'infinie puissance du moindre détail de réalisation : un effet de lumière en dira toujours bien plus long sur les sentiments d'un personnage qu'une ligne de dialogue... Dans la droite ligne de cette incroyable réussite formelle (photo somptueuse, cadrages recherchés, plans ultra-composés), Drive nous offre l'exemple parfait de ce que peut être la symbiose entre l'image et le son. Puisant son inspiration dans les années 80, la bande originale distille de véritables bijoux de synth pop (Nightcall de Kavinsky, Hero de College) qui font totalement corps avec l'univers visuel développé à l'écran. Ryan Gosling, enfin, est parfait dans le registre quasi-mutique et tout en ambiguïté d'un personnage dont on ne connaît même pas le nom.

Il est des films d'une telle force qu'il semble vain de vouloir expliquer par écrit l'incroyable sentiment de plénitude qui vous habite à la sortie de la projection. Drive fait définitivement partie de cette catégorie : un chef d’œuvre époustouflant pour un plaisir de cinéma absolu.

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dimanche 2 octobre 2011

Un Heureux Evénement


Barbara et Nicolas forment un couple heureux, dont les sentiments semblent pouvoir résister à tous les obstacles. Plus amoureux que jamais, ils décident de faire un enfant...

Après le succès critique et public de l'excellent Premier jour du reste de ta vie, on attendait avec beaucoup d'envie ce troisième film de Rémi Bezançon. Fidèle à ces précédentes réalisations, celui-ci continue de s'intéresser aux petites histoires du quotidien en abordant cette fois la question de la maternité, peut-être pas si épanouissante qu'on voudrait nous le faire croire...

Clairement divisé en deux parties (avant / après l'accouchement), cet Heureux Evénement nous propose donc de suivre, au côté de son héroïne, chaque étape caractéristique de la grossesse et de la vie de jeune maman. Un cheminement allant de de la rencontre à la crise du couple, et au cours duquel rien - ou presque - ne semble avoir été oublié : conception, test de grossesse positif, annonce au papa, questions inquisitrices de la famille, explosions hormonales, baby blues, sexualité en crise... De cet inventaire un peu laborieux, il ressort un film parfois maladroit et à la construction un peu artificielle.

Il est pourtant bien difficile de nier le côté assez attachant de l'ensemble. Très à l'aise dans ce positionnement entre le drame et la comédie, Rémi Bezançon est inégalable quand il s'agit de filmer la vie. Et nous gratifie une fois encore de très belles idées de cinéma, nous offrant au passage une scène de séduction formidablement inventive. Servi par des dialogues irréprochables, le duo Pio Marmaï - Louise Bourgoin forme d'ailleurs un couple des plus crédibles.

Un film plutôt mineur, mais qu'on aurait du mal à ne pas aimer si tant est que l'on soit sensible au style du réalisateur.

Verdict :