dimanche 30 mai 2010

La Tête en Friche


Brave homme un peu benêt, Germain vit de petits boulots dans son village natal. Un beau jour, il fait dans un parc la rencontre de Margueritte qui, du haut de ses 95 ans, l'initie aux plaisirs de la lecture.

Jean Becker a trouvé avec le roman de Marie-Sabine Roger une idée de scénario que l'on croirait faite sur mesure. On retrouve dans La Tête en Friche tout ce qui a pu faire le charme et le succès de ses précédentes réalisations : un ton résolument humaniste, des gens simples, une France des clochers et des petits bistrots.

Et une fois encore, l'ensemble est vraiment réussi. Le très beau sujet central du film, à savoir un homme qui se révèle à lui-même à travers la découverte des mots, est en effet traité de manière légère et élégante. Et si l'on rit souvent au détour de dialogues savoureux, c'est toujours avec une profonde bienveillance envers le personnage de Germain. On tient là un film très attachant, où Becker a mis tout ce qu'il pouvait de tendresse et de sincérité.

Mais La Tête en Friche est avant tout servi par un formidable duo d'acteurs. Le tandem Depardieu-Casadesus, aussi à l'aise dans le registre comique que dans l'émotion, dégage une étonnante complicité. On passe donc volontiers sur le trop plein de bons sentiments et les quelques maladresses (les flashbacks et les seconds rôles ne brillent pas par leur subtilité), pour mieux se laisser emporter par cette touchante fable humaine.

Verdict :

dimanche 16 mai 2010

Robin des Bois


Alors que la mort de Richard Coeur de Lion plonge l'Angleterre dans le chaos naît la légende de Robin des Bois...

Perspective alléchante que ces retrouvailles de Ridley Scott et de Russell Crowe pour évoquer Robin des Bois, héros ô combien charismatique et stimulant pour l'imaginaire collectif. Mais oubliez tout de suite Kevin Costner en Prince des Voleurs, on raconte ici la naissance - supposée authentique - de la légende que nous connaissons tous. Oubliez aussi l'excellent Gladiator, car ce film lui est infiniment inférieur.

Entre une histoire d'amour à l'érotisme aussi torride qu'un Mr Freeze, une magouille politique dont le manichéisme renvoie Star Wars dans son bac à sable, deux batailles plus un guet-apens où pratiquement aucune goutte de sang n'est versée et un trauma d'enfance à deux centimes, Ridley Scott n'a pas vraiment été gâté sur le plan scénaristique. Le résultat est un film long et indigeste, où les personnages sont tous aussi transparents les uns que les autres (la palme revient aux compagnons de Robin, totalement inutiles), et qui ne se laisse regarder que parce que les images sont parfois jolies. Comme argument, c'est un peu mince...

Remarquons l'inoubliable bataille finale où le film atteint, bien malgré lui, des sommets de ridicule. C'est à ne pas manquer si vous n'avez jamais vu un débarquement de Français façon "soldat Ryan" au XIIIème siècle, ou si vous n'avez jamais pu admirer un archer atteignant sa cible à plusieurs kilomètres de distance. Le tout réalisé à grands coup de travellings avant aériens, parce que quand même, les travellings avant aériens, c'est super spectaculaire.

Pour faire simple, ce Robin des Bois est une pure déroute. Une vraie de vraie, comparable à celle que subissent les Français face à une terrifiante armée de gamins et de paysans à la fin du film.

Verdict :

dimanche 9 mai 2010

L'Elite de Brooklyn


Brooklyn, 65ème district. Les destins croisés de trois flics écorchés vifs. L'un, désabusé, est à quelques jours de la retraite et se réfugie dans l'alcool. L'autre, fauché, espère remonter la pente grâce à l'argent de la drogue. Le dernier, désorienté, est infiltré dans le milieu des trafiquants et ne sait plus trop à quel camp il appartient.

A travers les trajectoires brisées de ces trois flics en équilibre instable, Antoine Fuqua nous livre un polar crépusculaire, à la fois intense et parfaitement maîtrisé. C'est dans dans son atmosphère sombre et tourmentée que le film trouve sa force mais aussi son homogénéité : du scénario à la réalisation, tout dans ce film contribue à entretenir la noirceur de l'ambiance générale.

L'Elite de Brooklyn pêche toutefois dans son procédé narratif. Trop artificielle pour convaincre, l'articulation entre les destins de nos trois héros ne fonctionne pas : il aurait fallu plus de virtuosité pour faire de ces trois intrigues un ensemble réellement cohérent.

Restent quelques scènes très fortes (notamment sur le final) et le plaisir d'admirer cette peinture ténébreuse, portée par un trio d'acteurs toujours très justes.

Verdict :

dimanche 2 mai 2010

Kick-Ass


Dave Lizewski, adolescent geek fan de comics, se met en tête de devenir un super-héros. C'est ainsi que revêtu d'un costume de plongée, il tente de rétablir la justice sous le nom de Kick-Ass. Une plaisanterie qui va le mener un peu plus loin qu'il ne l'imaginait.

De cette histoire de geek qui se rêve en justicier masqué, on pouvait attendre une comédie déjantée et inattendue. De ce côté-là, la première partie ne déçoit vraiment pas : s'il ne se prive pas pour recycler les vannes habituelles du teen movie, Kick-Ass sait aussi être original lorsqu'il joue sur le décalage entre le fantasme du super-héros et la dure réalité. Cette première demie-heure est ainsi très convaincante, car drôle et enlevée.

Le film prend toutefois une toute autre dimension quand il s'engage dans une voie plus sombre, voire complètement perverse. Car en affichant progressivement son ultra-violence de manière complètement gratuite, il devient très clair que Kick-Ass ne s'embarrasse d'aucune forme de morale. Le personnage de Hit Girl, fille de 11 ans conditionnée par son père pour devenir une véritable machine à tuer, est à lui seul assez représentatif. Derrière ses allures de comédie barrée, Kick-Ass est en fait une œuvre souvent glaçante, où le rire peut dissimuler un malaise assez inconfortable.

De cette amoralité, Kick-Ass tire une incroyable force de frappe. Pris au beau milieu de cette surenchère de violence, le spectateur est renvoyé à sa propre réflexion. Toute l'intelligence de Kick-Ass est alors de ne jamais suggérer de niveau de lecture en allant au bout de son idée. On peut donc y voir une dénonciation de la violence érigée en spectacle racoleur (notre héros devient célèbre grâce à une vidéo de baston diffusée sur Youtube), comme on peut aussi prendre plaisir à se laisser porter par ce déferlement d'action, certes bourrine, mais tellement bien réalisée qu'elle en est absolument jouissive.

Il est, à ce sujet, remarquable de voir à quel point Matthew Vaughn a su capter et synthétiser tout ce que la culture geek et populaire a pu nous offrir de meilleur. Kick-Ass, dans sa réalisation, fait ouvertement référence à Matrix et Kill Bill, et se réapproprie avec brio un concept de jeu vidéo, en filmant une scène à la manière d'un first person shooter. La BO est quant à elle toute aussi réussie, en ayant le bon goût de citer The Prodigy, Ennio Morricone ou Gnarls Barkley.

Inutile de s'attarder plus longtemps, Kick-Ass est de ces films que l'on prendra un pied monstrueux à voir et à revoir. Parce qu'il assume son extrême violence, parce qu'il est drôle et délirant, parce que ses choix de mise en scène sont un vrai régal cinématographique. Mais surtout parce que sa profondeur de lecture est bien plus grande qu'elle n'y paraît.

Verdict :