dimanche 28 février 2010

Shutter Island


En 1954, le marshall Teddy Daniels est envoyé sur Shutter Island où sont internés de dangereux criminels. Flanqué d'un équipier, il doit enquêter sur la mystérieuse disparition de Rachel Solando, l'une des pensionnaires. Mais Daniels a bien d'autres motivations. Et si l'homme qui a tué sa femme se trouvait là ? Et si cette île étrange servait en fait de couverture pour des expériences neurologiques pas très avouables ?

Un bateau sort d'une épaisse brume tandis que le ciel s'assombrit, annonçant la tempête. Alors que nos héros débarquent, on comprend par les résonances d'une inquiétante musique que le mystère et la paranoïa règnent sur cet endroit. Bienvenue à Shutter Island.

En choisissant d'adapter le roman de Dennis Lehane, Martin Scorsese ambitionnait de signer un thriller psychologique à la tonalité lourde et oppressante. Shutter Island est donc une œuvre à part dans la filmographie du réalisateur américain, mais cela n'empêche en rien cette tentative d'être plus que concluante. D'abord parce que l'histoire originale, remarquablement construite, fascine par la force de son ambiance. Mais surtout parce que Scorsese a su mettre toute sa virtuosité au service de cet excellent scénario.

On pense à Hitchcock, évidemment, pour la maîtrise du suspense et l'art de créer la tension chez le spectateur. Mais Scorsese sait également user de la manipulation de manière aussi roublarde que talentueuse. Avec un malin plaisir, il exploite au mieux le prisme de son héros pour brouiller les pistes, flouter les frontières entre rêve et réalité, et jouer de la confusion entre le mensonge et la vérité. Bousculant en permanence nos certitudes et notre perception des faits, il fait de Shutter Island un film labyrinthique et vertigineux.

Il faut simplement accepter de se perdre dans ce dédale pour apprécier son entière dimension. Mais la récompense est à la hauteur de l'effort : Scorsese signe là sa collaboration la plus réussie avec Leonardo Di Caprio.

Verdict :

dimanche 21 février 2010

I Love You Phillip Morris


Sa femme, sa fille, son job, sa maison, Steven Russell a une vie bien rangée. Jusqu'au jour où il décide de tout plaquer pour assumer son homosexualité. Son goût pour l'escroquerie va le mener tout droit à la case prison, où il va tomber éperdument amoureux d'un codétenu.

"It really happened. It really did." I Love You Phillip Morris commence par rappeler qu'il nous raconte une histoire vraie. Il fallait bien ça tant le destin de Steven Russell, spécialiste de l'arnaque aux assurances, roi de l'évasion, et homosexuel assumé sur le tard, paraît incroyable. De quoi déranger une Amérique puritaine dont le film n'a pu obtenir le financement, Luc Besson himself ayant finalement sauvé le projet.

On lui en sera infiniment reconnaissant : il y a bien longtemps qu'on avait autant ri au cinéma ! Pour leur premier film, Glenn Ficarra et John Requa, s'appuient sur des idées de mise en scène simples mais efficaces (arrêts sur image, voix off, flashbacks...) pour valoriser un humour résolument moderne et ravageur, dont les gags s'enchaînent dans un rythme parfait. Jim Carrey prouve de son côté qu'il peut être très drôle sans en faire des tonnes, livrant une prestation à la hauteur de son immense talent.

Mais derrière ses allures de comédie légère et gay friendly, I Love You Phillip Morris révèle progressivement un propos un peu plus ambitieux. Ce film est aussi l'histoire touchante d'un amour absolu à laquelle le duo Carrey/McGregor donne une réelle consistance. Il est surtout le portrait tout en nuances d'un homme à la recherche de sa propre identité, et dont la vie se résume à une perpétuelle fuite en avant. Difficile de dire si Steven Russell était génial ou complètement fou, mais cette dualité fait toute la richesse de cette excellente comédie.

Verdict :

dimanche 14 février 2010

Lovely Bones


Assassinée à l'âge de 14 ans, Susie Salmon observe du Paradis la vie de sa famille endeuillée, ainsi que celle de son prédateur, derrière lequel la police court en vain.

Adaptation du roman "La Nostalgie de l'Ange", Lovely Bones peut être décrit comme une sorte de polar fantastique reposant sur les rapports entre notre monde et celui de l'au-delà. Pour le néo-zélandais Peter Jackson, que l'on connaissait jusque-là pour son King Kong et sa très réussie trilogie du Seigneur des Anneaux, le changement est radical.

Si l'on ne demande qu'à se laisser emporter, on a malheureusement l'impression que Peter Jackson lui-même ne sait pas où il veut aller. Lovely Bones est un objet étrange, dont on se demande bien à quoi il peut ressembler. Un film fantastique, un thriller psychologique, un drame familial, une comédie ? Et bien, c'est un peu de tout cela à la fois, et c'est bien là le cœur du problème. Lovely Bones erre plus qu'il n'avance, traînant ce défaut rédhibitoire comme un boulet de dix tonnes. Le personnage de Susan Sarandon (excellente), arrivant de nulle part sans autre raison que de donner au film sa bouffée d'oxygène comique, est sûrement le plus symptomatique. Difficile d'accrocher dans ces conditions, et ce n'est pas l'esthétisme douteux de l'ensemble qui va rattraper l'affaire.

Car Peter Jackson a cru bon de faire des scènes de l'entre-deux mondes un prétexte pour exprimer ses délires visuels, et faire la preuve de ses qualités techniques. L'au-delà d'après Lovely Bones, c'est donc un monde au style new-age ringard avant même d'avoir été à la mode, une espèce de pub télé géante aux paysages aseptisés. Le néo-zélandais ne se contente pas seulement de flirter avec les frontières du ridicule, il les franchit allègrement à plusieurs reprises : ses créations numériques s'avèrent terriblement indigestes et prêtent à sourire plus qu'à s'émerveiller. Cette tendance à l'excès se retrouve dans l'ensemble des choix de mise en scène. Tout dans ce film est exagérément appuyé, à grands coups de ralentis, gros plans et autres effets de manche cinématographiques.

Le plus regrettable, c'est que l'on sent la démarche empreinte d'une profonde sincérité qui appelle à une certaine indulgence. Peter Jackson fait même preuve d'un talent épatant sur chaque scène où il s'agit de créer une tension psychologique. Mais cela ne suffit pas à relever le niveau général de ce film incroyablement maladroit.

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dimanche 7 février 2010

Brothers


Sam, Grace et leurs deux petites filles forment une famille américaine exemplaire. Alors que Sam doit partir au front en Afghanistan, son frère Tommy, fils mal-aimé fraîchement sorti de prison, prend la décision de veiller sur cette famille au sein de laquelle il va tenter de retrouver des repères.

Que l'on ne s'y trompe pas. S'il montre sans fard la tournure extrêmement violente et cruelle que peuvent prendre les combats en Afghanistan, Brothers est bien plus qu'un film politique et anti-militariste. Au mieux l'est-il de manière incidente, voire involontaire. Car Brothers ne s'intéresse pas tant à la guerre elle-même, qu'à ses conséquences dans l'intimité d'une famille dont les blessures ne demandent qu'à se rouvrir.

A mesure que son scénario avance, on devine dans ce film le désir de porter un propos universel. Il y est question de famille donc, mais aussi de fraternité, d'amour, d'absence, de deuil et de reconstruction de soi. Il y est question de la vie, tout simplement.

Jim Sheridan a l'intelligence de jouer la carte de la sobriété, pour faire de Brothers une véritable tragédie grecque du XXIè siècle. Posant ses caméras au plus près des visages, il capte les âmes plus que les corps, et donne à son film une justesse et une sincérité rares. Parce qu'il ne recourt à aucun artifice, à aucune facilité, Brothers sonne vrai : on y pleure beaucoup, on y rit parfois, sans que jamais le film ne quitte le registre de la nuance et de la subtilité. L'interprétation, exceptionnelle, y est sûrement pour beaucoup. Très investis et servis par d'excellents dialogues, Natalie Portman et Jake Gylleenhaal étonnent par la précision de leur composition, jamais excessive ou caricaturale.

En définitive, Brothers est de ces films forts et bouleversants, qui en tout cas ne laissent pas indifférent : un immense bonheur cinématographique.

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mercredi 3 février 2010

Sherlock Holmes


Des meurtres rituels, un assassin qui revient d'entre les morts, la panique à Londres, le tout sur fond d'ésotérisme et d'Ordre secret. L'enquête s'annonce compliqué pour le plus célèbre des détectives...

Il y a quelque chose d'improbable dans la rencontre des univers de Conan Doyle et de Guy Ritchie, réalisateur du déjanté Snatch. Mais c'est bien là que réside, en réalité, le principal atout du film. Ce Sherlock Holmes (Robert Downey Jr.), s'il n'a rien perdu de son flegme et de sa légendaire perspicacité, est hirsute, bagarreur, marginal, voire un peu illuminé. On tient là un héros drôle et charismatique, dont les joutes verbales avec le docteur Watson (Jude Law) sont absolument délectables.

C'est donc avec plaisir que l'on se laisse embarquer à leurs côtés dans cette enquête, qui joue classiquement sur l'opposition entre le surnaturel et l'indéfectible esprit cartésien de notre détective. Le scénario, malin (quoiqu'un peu tiré par les cheveux), offre suffisamment de rebondissements pour assurer un rythme soutenu sur deux heures, tout en sachant préserver ses effets pour la fin. On appréciera au passage la remarquable reconstitution de Londres à la fin du XIXè, dans une photo à dominante grise du meilleur effet.

Si l'on passe donc un agréable moment de cinéma, on a aussi un peu de mal à voir autre chose dans Sherlock Holmes qu'un bon film de divertissement. Ce n'est pas que ce terme soit péjoratif, mais on a comme l'impression que Guy Ritchie a du s'acquitter de son quota réglementaire d'humour, de scènes d'actions et de faire-valoir féminins... sans oublier de nous vendre un deuxième épisode. On a donc là une grosse machine commerciale dont le cahier des charges a été parfaitement respecté, mais qui manque fatalement de spontanéité.

Verdict :