vendredi 31 décembre 2010

Mon daube cinéma 2010

1 - Robin des Bois
de Ridley Scott



2 - Ces Amours-là
de Claude Lelouch



3 - Tout ce qui brille
de Géraldine Nakache

Mon top cinéma 2010

1 - Kick-Ass
de Matthew Vaughn



2 - The Social Network
de David Fincher



3 - Des Hommes et des Dieux
de Xavier Beauvois



4 - Inception
de Christopher Nolan



5 - Gainsbourg, vie héroïque
de Joann Sfar



6 - Buried
de Rodrigo Cortés



7 - I Love You Philipp Morris
de Glenn Ficarra et John Requa

(NB : ce film remporte également le prix de l'affiche la plus moche)





8 - Shutter Island
de Martin Scorsese



9 - Raiponce
de Byron Howard et Nathan Greno



10 - Les Runaways
de Floria Sigismondi


Another Year


En bref...


Tom et Gerri sont un couple sans histoire de la middle class anglaise. Dans leur maison défilent régulièrement les mêmes personnages : Mary et Ken, des amis célibataires pas très aptes au bonheur, ainsi que leur fils Joe, qui a bien du mal à se caser.

Tom et Gerri font de leur mieux pour remettre sur le droit chemin ces âmes égarées qui ont trouvé refuge chez eux. Mais cette bienveillance se heurte parfois à des sentiments de lassitude, quand elle n'est pas prise à contrepied par des manifestations de condescendance. La solitude de Mary (géniale Lesley Manville) semble ainsi plus douloureuse que jamais à l'occasion d'un magistral plan final.

Au rythme des saisons, Another Year illustre finalement ces petites choses qui font la vie : le bonheur, le malheur, l'amitié, la solitude. Un film peut-être un peu trop bavard et plan-plan, mais d'une extrême finesse dans son décryptage des relations humaines.

Verdict :

Les Emotifs Anonymes


Jean-René dirige une chocolaterie en difficulté économique. Un beau jour, Angélique, chocolatière de talent, se présente dans son bureau. Leur passion commune les rapproche de toute évidence, mais chacun a bien du mal à surmonter sa très grande timidité.

Ce film marque les retrouvailles de Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré, très convaincants en 2005 dans Entre Ses Mains. Mais il n'est pas question ici de tueur en série : les Emotifs Anonymes parlent de personnages paralysés par leur hypersensibilité. Un sujet plutôt inattendu qui suscite la curiosité, d'autant plus que le réalisateur, Jean-Pierre Améris, se dit lui-même concerné par le sujet.

Mais entre un scénario extrêmement prévisible, dans lequel tout semble avoir été fait pour maintenir le spectateur à l'abri du moindre effet de surprise, et des personnages unidimensionnels qui n'existent que par leur émotivité maladive, ce film s'avère bien trop convenu pour enthousiasmer. Cet évident problème d'écriture se retrouve - et c'est peut-être le plus gênant - jusque dans ses aspects de pure comédie. De trop nombreuses scènes consistent principalement à montrer nos deux héros en train de bafouiller des dialogues d'une grande vacuité : c'est assez laborieux, et il faut bien reconnaître qu'au bout du compte, on sourit plus que l'on ne rit.

Pourtant, on ne peut nier le charme de ce petit film sans prétention. Son ambiance visuelle désuète et colorée (qui n'est pas sans rappeler Amélie Poulain) n'est pas déplaisante. Surtout, Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré offrent une prestation parfaite pour former un couple attachant et tout à fait crédible. Pas de quoi oublier les faiblesses criantes de cette œuvre dont on pourra se dispenser sans regret, mais ces quelques points positifs incitent à la bienveillance.

Verdict :

vendredi 17 décembre 2010

Ce n'est qu'un début


Dans la série "les films que je vais voir bien après leur sortie..."

Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier ont posé leurs caméras dans une école maternelle pour y filmer, deux années durant, l'expérimentation d'ateliers de philosophie. Si le film n'évite pas une certaine facilité en compilant les bons mots des enfants (ne boudons pas notre plaisir, c'est souvent extrêmement drôle), ses choix de montage s'avèrent aussi des plus judicieux. Ce n'est qu'un début montre les mots, bien sûr, mais n'oublie pas pour autant de capter l'écoute et le langage du corps, qui en disent parfois bien plus long. Est-il meilleure définition de l'amour que les contorsions de cette petite fille, visiblement troublée par le simple fait de parler de ses sentiments ?

Ce n'est qu'un début est aussi une merveilleuse démonstration de la vertu de ces ateliers : on y développe le sens de la réflexion, évidemment, mais aussi les notions de tolérance et de respect de l'autre. D'abord hésitants et timorés, les enfants finissent par s'approprier ces instants de débat en les alimentant par leurs propres arguments. Parfois, cela donne lieu à de merveilleux instants de poésie : "Moi je dis, la liberté, c'est quand on peut être un petit peu seul, respirer un petit peu, et être gentil"

Verdict :



J'ai eu la chance de voir ce film en présence de Pierre Barougier (l'un des co-réalisateurs). Celui-ci s'est montré très accessible et a eu la gentillesse de répondre aux nombreuses questions des spectateurs présents dans la salle.
Si le sujet vous intéresse, n'hésitez pas à consulter le site officiel du film : les notes de production y sont très instructives !

dimanche 5 décembre 2010

Scott Pilgrim


Scott Pilgrim, 23 ans, en pince pour Ramona Flowers, fille de ses rêves au propre comme au figuré. Seulement voilà, pour sortir avec elle, il doit vaincre ses sept ex-maléfiques.

Adaptation d'un comic-book qui a fait son petit effet outre-Atlantique, Scott Pilgrim a pourtant fait un four lors de sa sortie en salles aux Etats-Unis. A tel point qu'Universal France, ne sachant plus trop quoi faire de cet embarrassant échec, s'est contenté d'une sortie confidentielle sur notre territoire (une soixantaine de copies seulement) pendant que nombre d'internautes, lassés d'attendre un film sorti depuis plusieurs mois déjà à l'international, ne s'étaient pas privés pour le télécharger par des moyens plus ou moins légaux.

On peut comprendre les atermoiements d'Universal. Car Scott Pilgrim est de loin l'objet cinématographique le plus barré de l'année. Sur un scénario extrêmement simple, Edgar Wright bâtit un univers empruntant jusqu'au moindre détail de mise en scène aux comics, aux mangas et surtout aux jeux vidéo. C'est une œuvre résolument geek, qui parlera avant tout à ceux qui ont eu le bonheur de grandir dans les années 90, glorieuse époque où la Nintendo 64 représentait le top de la technologie et où l'on allait encore chez le disquaire.

Scott Pilgrim prend par ailleurs d'incroyables libertés avec la narration, se permettant des ellipses spatiales et temporelles qui donnent à l'ensemble un côté légèrement halluciné... Ce film, c'est un peu l'enfant caché de Kaboom pour son côté joyeusement foutraque et de Kick Ass pour sa geekitude assumée. C'est inventif, surprenant et ne ressemble à rien qu'on ait jamais vu auparavant.

Une singularité qui est aussi la principale limite de ce film qui n'existe finalement que par la revendication de cette culture pop. Le vide scénaristique finit ainsi par se ressentir dans la répétition de combats qui, s'ils sont parfois drôles, sont à la longue un peu assommants. Cette posture un peu désinvolte empêche définitivement Scott Pilgrim d'être un grand film, mais elle lui donne aussi un charme certain. C'est en tout cas un vrai plaisir pour tous ceux que l'idée d'un long métrage aussi référencé en matière vidéo-ludique enthousiasme. You earn the power of Scott Pilgrim !

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mercredi 1 décembre 2010

Raiponce


Retenue prisonnière d'une tour par celle qu'elle croit être sa mère, Raiponce, une princesse dotée de longs cheveux aux pouvoirs magiques, reçoit un jour la visite d'un intrépide bandit.

Par sa thématique (l'histoire est inspirée d'un conte des frères Grimm) et ses passages chantés, Raiponce s'inscrit dans la grande tradition des films Disney... et à vrai dire, on n'en attendait pas moins pour ce qui constitue le cinquantième long métrage des studios. La bonne surprise, c'est que cette tradition est largement dépoussiérée, inscrivant Raiponce dans une démarche résolument moderne, dans le sillage des productions Pixar. Le scénario ne renouvelle pas le genre en profondeur, bien au contraire. Mais les codes du film de princesse y sont détournés avec beaucoup de malice et d'inventivité.

Le prince charmant est ainsi un bandit doublé d'un séducteur à deux balles, accueilli à coup de poêle à frire par une princesse attachante et plus dégourdie qu'elle n'y paraît. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, et l'un d'entre eux vole même la vedette à tout le monde : le cheval Maximus ! Un fier destrier au flair redoutable, dont l'expressivité est absolument irrésistible. Il est la grande trouvaille de ce film qui ne manque jamais une occasion d'affirmer son humour réjouissant.

Visuellement, enfin, Raiponce est un vrai régal. Qu'il s'agisse de mettre en scène des courses-poursuites hautement spectaculaires ou d'animer l'extraordinaire chevelure de son héroïne, ce film ne cesse d'épater par ses prouesses techniques. On atteint même un sommet d'émerveillement face à la scène des lanternes qui redonne tout son sens au mot "magie". Celui-là même dont la marque caractérise les grands films Disney...

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dimanche 28 novembre 2010

Harry Potter et les Reliques de la Mort 1ère partie


Lord Voldemort contrôle désormais Poudlard et a renversé le Ministère de la Magie. Alors que l'extermination des Moldus a commencé, Harry, Ron et Hermione partent à la recherche des Horcruxes qui leur permettraient de vaincre le Seigneur des Ténèbres.

Cette fois, ça ne rigole plus. Harry et ses amis sont en cavale et doivent combattre tant bien que mal des forces plus inquiétantes que jamais. Fini, donc, le cadre féérique de Poudlard : l'heure de l'ultime affrontement approche, et ce septième épisode, à l'instar du septième tome de l'œuvre de J.K. Rowling, se devait d'être le plus sombre de la saga.

Le réalisateur David Yates l'a bien compris, le problème est que l'on ressort de la séance avec une impression de ratage quasi-total. D'abord parce que la direction artistique semble être en roue libre, s'approchant parfois dangereusement des frontières de l'auto-caricature. Filmée sans une once d'inspiration, cette adapatation s'évertue à enchaîner les scènes sous-éclairées pour nous faire croire à une ambiance vaguement gothique. Le résultat, c'est qu'on a rarement vu un projet avec autant de moyens aboutir à une photo aussi dégueulasse.

On pourrait également incriminer Daniel Radcliffe, aussi charismatique qu'un bulot, ainsi que les quelques tentatives d'humour ultra-foireuses qui ne provoquent dans la salle que des rires gênés. Mais le défaut le plus flagrant de ce film, c'est qu'à aucun moment il ne fait preuve d'un quelconque sens de la narration, se contentant de juxtaposer paresseusement des scènes bavardes et souvent loin d'être passionnantes. Un peu comme s'il avait fallu justifier à tout prix l'existence de cette première partie...

Inutile de chercher plus loin les raisons de ce naufrage. Alors qu'on nous avait juré que deux films étaient nécessaires pour transposer à l'écran la densité de ce dénouement, la vérité éclate au grand jour : on nous a juste préparé un épisode de remplissage pour nous extorquer deux fois plus d'argent. Plus que la saveur amère de la déception, cet Harry Potter a le goût écœurant de l'arnaque.

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mercredi 24 novembre 2010

Le Nom des Gens


Bahia, jeune femme extravertie d'origine franco-algérienne, a pour habitude de coucher avec des gens de droite pour les convaincre de changer de bord politique. Un jour, elle fait la rencontre d'Arthur, un quadra pas désagréable mais un peu coincé. Arthur n'est pas à convertir et pour cause, il est jospiniste et fier de l'être.

A travers la rencontre amoureuse de ces deux êtres "de gauche", Le Nom des gens tente d'aborder avec légèreté des sujets comme la mémoire, l'identité, le communautarisme ou la différence. L'intention est louable mais le film survole malheureusement ses thèmes plus qu'il ne les traite réellement. La faute en revient, peut-être, à un positionnement hasardeux consistant à amorcer une réflexion importante en gardant une distanciation amusée. Résultat : le trait est parfois un peu trop simpliste ou appuyé, a fortiori lorsque des portes ouvertes sont enfoncées sur le mode "acceptons nos différences".

Finalement, c'est bien d'amour dont ce film parle le mieux. Sur un schéma que l'on pouvait penser fatigué, à savoir l'attirance entre deux personnes que tout oppose en apparence, Le Nom des Gens parvient à émouvoir par sa simplicité et sa légèreté. L'énergie de Sara Forestier, pétillante et spontanée, est des plus communicatives et l'on comprend sans mal que Jacques Gamblin, lui aussi impeccable, succombe si rapidement à ses charmes.

Quant à Lionel Jospin, il est très loin de démériter en guest star, se fendant même d'un bon mot dont on taira ici la teneur. Comme un symbole de ce film et de sa réalisation un peu trop fière des gadgets auxquels elle recourt, son apparition est certes amusante... mais anecdotique.

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dimanche 21 novembre 2010

A Bout Portant


Samuel est aide-soignant et futur papa. Un matin, il est agressé chez lui et sa femme est enlevée. Pour obtenir sa libération, on le somme de faire sortir un malade qu'un intrus avait déjà essayé de tuer la veille.

L'idée de départ est des plus classiques : l'histoire d'un monsieur-tout-le-monde qui se retrouve bien malgré lui impliqué au cœur d'une affaire qui le dépasse. Evidemment, on ne comprend rien à ce qui arrive à notre héros avant de découvrir avec lui les dessous d'une trouble affaire de meurtre.

De fausses pistes en courses-poursuites, tous les codes du film de genre sont là. L'exercice de style s'avère plutôt bien négocié (la scène dans les couloirs du métro parisien est, par exemple, une vraie réussite), et le choix de la concision (1h26) permet au rythme de ne jamais retomber. Au final, A Bout Portant est un thriller noir, prenant et ultra tendu, qui n'a pas grand chose à envier aux productions d'outre-Atlantique. On remerciera au passage Fred Cavayé de ne pas avoir succombé à la mode d'une réalisation hystérico-parkinsonienne, permettant à l'action d'être toujours lisible... et au spectateur de se prendre complètement au jeu.

Dommage, cependant, que ce film perde une grande partie de sa crédibilité - et donc de sa force - en accumulant clichés et invraisemblances. Gérard Lanvin et Roschdy Zem manquent ainsi un peu de nuance et n'en finissent plus de serrer la mâchoire pour montrer à quel point ce sont des durs à qui on la fait pas. Pour un peu, on en rirait presque...

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dimanche 14 novembre 2010

Kaboom


Dans la série "les films que je vais voir bien après leur sortie"...

Accompagné sa meilleure amie Stella, Smith mène sur le campus une vie essentiellement faite de sexe et de fantasmes sur son surfeur de colocataire. A priori, Kaboom et ses vannes sous la ceinture a tout du college movie comme il en sort chaque année par pelletées. Et pourtant, ce film ne ressemble à rien d'autre qu'à lui-même.

Gregg Araki se livre ici à un mélange des genres improbable entre thriller et teen-movie, sur fond de drogue et de théorie du complot. Soyons clairs, c'est n'importe quoi. Mais si on accepte de rentrer dans ce film comme dans un trip sous LSD, on en ressortira avec l'agréable sensation d'avoir assisté à un délire de cinéma joyeusement foutraque et hallucinatoire.

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vendredi 12 novembre 2010

Potiche


En province, dans la fin des années 70, Robert Pujol est un industriel aussi exécrable avec ses ouvriers qu'avec sa famille. Mais alors qu'une hospitalisation l'éloigne de son usine pendant quelques temps, sa femme, jusqu'alors reléguée au rang de potiche, trouve une occasion de s'affirmer.

Après une série de films dramatiques plus ou moins réussis, le prolifique François Ozon revient à la comédie, genre qu'il n'avait pas abordé depuis 2001 et le succès de 8 Femmes. Potiche a de nombreux points communs avec ce dernier, à commencer par une distribution de luxe (Fabrice Luchini, Catherine Deneuve, Karin Viard et Gérard Depardieu à l'affiche, excusez du peu) et le fait qu'il soit l'adaptation d'une pièce de théâtre.

François Ozon semble parfois se sentir à l'étroit dans cette filiation et, à l'image d'une introduction laborieuse, n'évite pas toujours l'écueil du théâtre filmé. Mais une fois lancée la mécanique du scénario, Potiche est bel et bien la comédie féroce et pleine de rythme que l'on attendait. Luchini est délicieusement odieux, Deneuve parfaitement décalée, et c'est avec une vraie jubilation que l'on voit ce microcosme bourgeois s'écharper pour la prise du pouvoir dans l'entreprise familiale. Ozon réussit au passage un manifeste féministe plus fin qu'il n'y paraît, et donne à son film un ancrage politique d'une surprenante actualité - il y est déjà question de délocalisation - alors que nous ne sommes que dans les années 70.

On sent d'ailleurs que tout le monde s'est beaucoup amusé à cultiver ce côté vintage, voire complètement kitsch. Potiche, c'est aussi un univers de papiers peints à motifs improbables, de téléphones à moumoute et de variété française ringarde. Le film atteint un sommet de second degré potache en mettant en scène Deneuve et Depardieu dansant sur du Il Etait Une Fois. Le bonheur de voir ces deux monstres sacrés s'adonner à ce plaisir coupable vaut à lui seul le déplacement.

Verdict :

dimanche 7 novembre 2010

Buried


Un briquet, un stylo, un téléphone portable. C'est tout ce dont dispose Paul Conroy, camionneur américain, pour se sortir d'un cercueil enterré quelque part en Irak.

Pour son premier long métrage, l'espagnol Rodrigo Cortés est parti d'une idée audacieuse, certes excitante mais aussi terriblement casse-gueule : mettre un personnage dans un cercueil, avec 90 minutes pour s'en sortir et pour seule interaction possible avec le monde extérieur un téléphone portable. Le but est bien évidemment de faire vivre au spectateur une expérience de cinéma claustrophobe et oppressante. La scène de Kill Bill vol. 2 qui voyait Uma Thurman enterrée vivante fonctionnait à ce niveau plutôt bien, restait à savoir si le concept était tenable sur la distance.

Pour parvenir à cette fin, Rodrigo Cortés a bien évidemment dû recourir à quelques artifices de scénario pas toujours vraisemblables - le point de départ lui-même n'est jamais qu'un prétexte - mais toujours au service d'une mise en scène impitoyable d'efficacité. Pour apprivoiser cet espace confiné, il multiplie ainsi les sources d'éclairage (bleu pour l'écran de téléphone, blanc et rouge pour la lampe-torche, jaune pour la flamme du briquet) et les utilise comme autant de marqueurs des différentes phases du récit. Et ce n'est là qu'un exemple des nombreuses idées de réalisation qui parcourent Buried. Le résultat est un film en tension permanente, incroyablement haletant, et dont le suspense va crescendo pour aboutir à un final bluffant.

Cette efficacité, Buried la doit également à son intrigue simple mais plutôt rusée. Evidemment, on pourrait résumer le film à une simple succession d'appels téléphoniques par lesquels Paul Conroy tente de sortir du piège dans lequel il est tombé. Sauf qu'en plus d'être enfermé entre six planches de bois, le héros se trouve progressivement coincé dans l'impasse entre la relative désinvolture de l'administration et la totale intransigeance de ses ravisseurs. De physique, le sentiment d'enfermement se fait de plus en plus psychologique, et paradoxalement de plus en plus palpable. Buried se permet au passage une critique acerbe - bien que pas très originale - de l'action américaine en Irak et du cynisme de notre société.

Elément-clé de la réussite du film, Ryan Reynolds livre une prestation ahurissante. Entre panique, peur et colère, son abattage impressionne et emporte sans problème l'empathie : on n'a aucun mal à s'identifier à son personnage de camionneur, victime collatérale d'un conflit qui le dépasse. Le suspense n'en est que plus intenable...

Verdict :

mercredi 3 novembre 2010

Oncle Boonmee (celui qui se souvenait de ses vies antérieures)


Dans la série "les films que je vais voir bien après leur sortie"...

Aux frontières de la vie et de la mort, du surnaturel et du religieux, Apichatpong Weerasethakul (à vos souhaits) nous invite à la découverte d'un cinéma pour le moins étrange, lent et résolument contemplatif. On peut crier au génie et y voir une inoubliable expérience sensorielle. On peut aussi trouver cela incroyablement emmerdant.

Pour ma part, j'opterai pour la deuxième solution. Non pas que j'ai été totalement insensible à la proposition du réalisateur thaïlandais, l'incursion fantastique des vingt premières minutes m'ayant réellement captivé par sa force poétique. Mais pour le reste, (soit 1h30 environ) Oncle Boonmee réussit l'exploit de monter en puissance dans l'ennui par une succession de scènes interminables au propos abscons.

Pas de quoi en faire une Palme d'or, donc, et l'on comprend d'autant mieux la polémique qui a divisé la presse après le Festival de Cannes. Avec le recul, on ne peut que regretter que Des Hommes et des Dieux ait du se contenter du Grand prix du jury. Un temps pressenti, il aurait pourtant fait une très belle Palme qui aurait eu le mérite de réconcilier trois millions de spectateurs avec Cannes. Ce sera pour une autre fois...

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dimanche 31 octobre 2010

Biutiful


A Barcelone, Uxbal vit de l'exploitation de travailleurs clandestins tout en élevant avec dévotion ses deux enfants. Condamné par la maladie, il doit affronter jusqu'à la fin de ses jours un destin contraire.

Cette quatrième réalisation d'Iñárritu marque une rupture dans l'œuvre du réalisateur mexicain. Le scénariste Guillermo Arriaga n'est cette fois plus de la partie, et contrairement à ses précédents films qui s'ingéniaient à croiser les destins (Amours Chiennes, 21 Grammes, Babel), Biutiful suit l'histoire d'un seul personnage.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le sort s'acharne sur Uxbal : condamné par un cancer, il ne peut compter ni sur son épouse, bipolaire imprévisible et dangereuse, ni sur son frère qui ne se prive pas pour coucher avec elle. Avant de partir, Uxbal tente tant bien que mal de mettre un peu d'ordre dans sa vie. Le tout dans le gris et la tristesse des bas-fonds de la capitale catalane, très loin du Barcelone de carte postale que le cinéma a l'habitude de nous montrer.

Aussi désespérée soit-elle, il se dégage de cette œuvre une réelle force : la noirceur de Biutiful a quelque chose d'hypnotique et d'envoûtant, et le film irradie de ces rares lueurs d'espoir qui le traversent. Le mérite en revient en grande partie à Javier Bardem, charismatique et saisissant de bout en bout, dont l'interprétation toute en retenue a été récompensée au festival de Cannes. Mais il serait injuste de passer sous silence la grande qualité de la réalisation, dont l'engagement confère à chaque plan une prodigieuse intensité.

On se demande dès lors pourquoi Iñárritu n'a pas choisi de faire confiance à son cinéma plutôt que de noyer son film sous un flot incessant de misère humaine. Car là est bien le principal problème de Biutiful : une démonstrativité misérabiliste de tous les instants qui, distribuée sur plus de deux heures, en finit par être vraiment gênante. A trop charger la barque, elle finit par couler... Biutiful n'en est pas là, mais on ne peut s'empêcher de rêver du grand film qu'il aurait pu être si son histoire s'était contentée d'un peu plus de sobriété.

Verdict :

jeudi 21 octobre 2010

Les Petits Mouchoirs


Alors que l'un d'eux est coincé sur un lit d'hôpital à la suite d'un grave accident de scooter, une bande de copains décide de maintenir malgré tout leurs traditionnelles vacances au Cap Ferret.

Il n'a de cesse de le répéter, Guillaume Canet a mis dans Les Petits Mouchoirs ce qu'il avait de plus personnel. Les Petits Mouchoirs est SON film, c'est aussi son œuvre la plus ambitieuse à en juger par son casting quatre étoiles, sa durée (2h34), son sujet fédérateur et sa sortie sur plus de 550 copies. Et de l'ambition, il en fallait pour s'attaquer au film de potes, genre dans lequel le cinéma français a déjà quelques sérieuses références.

Guillaume Canet peut être fier de son coup. Certes, les Petits Mouchoirs est loin d'être exempt de défauts. Ainsi, il n'échappe pas à l'inévitable écueil d'un film aussi choral , réduisant chacun de ses personnages à un simple trait de caractère. Trop de fois, il cède également à la facilité, appuyant chaque scène d'émotion d'une ballade mélancolique, ou exploitant à l'extrême un filon comique (la relation Cluzet-Magimel) qui relève plus de l'impasse scénaristique. L'écriture n'est ni assurée, ni aboutie, la mise en scène pas toujours adroite... mais qu'importe.

On pardonne volontiers ces petits défauts : on n'a pas tous les jours l'occasion de voir un film d'une aussi désarmante sincérité. S'il n'a de complaisance pour aucun d'entre eux, Canet aime ses personnages de trentenaires bourgeois un peu paumés et, pour notre plus grand plaisir, prend le temps de réserver à chacun son petit moment de gloire. Le plus souvent, c'est franchement désopilant, à l'image de cette colère noire de Marie (Marion Cotillard) chahutée par ses amis au cours d'une activité nautique, ou de la guerre sans merci que livre Max (François Cluzet) aux fouines cachées dans les murs de sa propriété. Mention spéciale, au passage, à l'ensemble des interprètes, tous excellents sans exception.

A en juger par le nombre d'éclats de rire, l'aspect comédie est donc des plus réussis. Mais Guillaume Canet - malgré les imperfections évoquées ci-dessus - fait aussi preuve de savoir-faire dans un registre plus dramatique. Ce séjour au Cap Ferret est ainsi l'occasion de détailler, à travers les petits ressentiments des uns et des autres, la complexité de la notion d'amitié. Surtout, il se dégage une réelle émotion d'une dernière partie (pourtant un rien facile) pleine de sensibilité, qui nous invite à une réflexion sur notre rapport aux autres.

Guillaume Canet est encore loin d'être un scénariste et un metteur scène accompli. Mais il s'affirme dans Les Petits Mouchoirs comme un auteur touchant, d'une grande sincérité. Cela suffit largement à notre bonheur.

Verdict :

dimanche 17 octobre 2010

The Social Network


A l'université d'Harvard, l'histoire mouvementée de la naissance du réseau social Facebook, et de son créateur Marc Zuckerberg.

En moins de dix ans, Facebook s'est installé dans le quotidien de centaines de millions d'internautes. Pendant ce temps, Marc Zuckerberg, son polémique créateur, est devenu le plus jeune milliardaire du monde. Il n'en fallait pas plus à l'industrie du cinéma pour s'emparer de cette incroyable success story, dont on avait tout de même un peu de mal à imaginer qu'elle puisse être cinégénique. Mais de David Fincher, l'homme qui nous a offert une des œuvres les plus captivantes de ces vingt dernières années avec Fight Club, on pouvait attendre un grand film. Et The Social Network est, sans aucun doute, un très grand film.

Servi par un excellent scénario d'Aaron Sorkin et une BO obsédante signée Trent Reznor, Fincher structure son récit par un procédé de flashbacks/flashforwards permanents entre le campus d'Harvard et les cabinets d'avocats, où se jouent les négociations autour du contentieux Facebook. Cela aurait pu être confus et un peu surfait, c'est au contraire parfaitement maîtrisé et passionnant de bout en bout. Ce jeu de mise en abîmes donne à The Social Network une intensité tragique violente et inattendue, où se mêlent pouvoir, argent et trahison.

Un choix de narration qui contribue également au rythme effréné du film. David Fincher a compris qu'il ne pouvait se permettre d'aller autrement qu'à 300 km/h pour raconter l'histoire d'une ascension aussi soudaine et fulgurante. Les répliques fusent, les rebondissements s'enchaînent : les deux heures du film filent sans jamais laisser le temps au spectateur de reprendre son souffle... A l'exception notable de la scène finale, nettement plus posée, et de ce superbe plan où Zuckerberg tape frénétiquement sur la touche F5, comme pour symboliser un monde qui ne sait plus vivre qu'à l'échelle de la milliseconde.

D'ailleurs, c'est bien cet anti-héros qui intéresse Fincher plus que la genèse de Facebook elle-même. Plus motivé par la gloire que par l'argent, Zuckerberg est montré comme un personnage fascinant car insaisissable, dont le génie autant que les frustrations semblent avoir anéanti toute forme d'empathie. Dans ce registre peu évident, Jesse Eisenberg réalise une performance remarquable, incarnant parfaitement ce que son rôle doit avoir de dramatique et d'inquiétant.

Un film majeur, incontestablement.

Verdict :

dimanche 10 octobre 2010

Les Amours Imaginaires


Marie et Francis se connaissent depuis toujours. Ils tombent tous deux amoureux de Nicolas. Un sentiment qui n'est réciproque ni pour l'un, ni pour l'autre, mais qui va transformer leur amitié en rivalité .

Pour sa deuxième réalisation après le remarqué J'ai Tué Ma Mère, Xavier Dolan traite d'un thème sur lequel le cinéma a déjà dit énormément de choses : le triangle amoureux. Soit l'histoire de deux amis, Marie et Francis, qui vont s'enfermer dans un amour vain pour un bellâtre blond. Si ce point de départ est des plus classiques, ce jeune réalisateur québécois (vingt-et-un ans seulement !) ne manque ni de style, ni d'idées pour en tirer des développements originaux et parfois émouvants.

Les Amours Imaginaires est une œuvre d'un esthétisme formel pop et surprenant (la BO va de France Gall à Vive la Fête en passant par House of Pain), dont on ne sait trop si on doit la trouver kitsch ou branché. De longs ralentis sur fond de Dalida interprétant Bang Bang, il fallait tout de même oser ! Le film multiplie ainsi les effets de style pour illustrer de très belle manière l'attente, les espoirs et les doutes de ses protagonistes. Un choix de réalisation qui nous vaut quelques instants de pure magie, à l'image de cette scène de fête où Marie imagine, au rythme des stroboscopes, l'objet de son désir en statue grecque.

L'autre excellente idée du film est de nous montrer le témoignage d'anonymes sans aucun rapport avec les héros de l'histoire. En plus d'être d'une spontanéité et d'un humour réjouissants, ces instants de vérité face-caméra apportent un contrepoint ancré dans le réel face à une trame principale toute en non-dits, faite d'illusions, de métaphores et de fantasmes.

On ne peut toutefois s'empêcher de penser que Dolan gagnerait à échanger plus de consistance dramatique contre moins de démonstration formelle. Les Amours Imaginaires se complaît dans son propre style pour mieux dissimuler la faiblesse d'un scénario qui, il faut bien le reconnaître, tourne rapidement en rond. C'est d'autant plus regrettable que l'on décèle dans certains dialogues un vrai talent d'écriture ("c'est ça l'important, la cuillère..."). On se consolera avec l'éblouissante interprétation de Monia Chokri, très émouvante en amoureuse aussi cynique que vintage.

Verdict :

dimanche 3 octobre 2010

The Town


En bref...

Ben Affleck nous gratifie d'un thriller classique et efficace où se croisent les thèmes de la rédemption et du déterminisme. A voir notamment pour la force des scènes de braquage.

Verdict :

dimanche 26 septembre 2010

Ces Amours-là


Le destin d'Ilva qui, toute sa vie durant, fait de l'amour la plus importante de ses valeurs.

Des destins qui se croisent, des dialogues vaguement métaphysiques, de l'amour et du romanesque : pas de doute, on est bien devant un Lelouch. Un mauvais Lelouch en l'occurence, car c'est aussi insupportable de niaiserie et de prétention.

Commençons par l'héroïne, Ilva, qui "place l'amour au-dessus de tout". En réalité, Ilva a surtout une incroyable capacité à tomber amoureuse du premier venu, et tombe successivement dans les bras d'un officier nazi et de deux GI en même temps (incapable de se décider, elle finit par choisir à pile ou face) pour enfin s'enticher de l'avocat qui assure sa défense. Ilva n'est pas une romantique : c'est avant tout une cruche naïve, exaspérante et amorale. La pauvre Audrey Dana a beau faire ce qu'elle peut, on se fout royalement du destin de ce personnage qui, après tout, n'a jamais que ce qu'il mérite.

Pour le reste, on sent que Lelouch a voulu donner dans la grande fresque historique. Au programme dans Ces Amours-là : le petit garçon juif qu'on cache, les français résistants, les français collabos, les cruels officiers nazis, les trains de la mort, les camps de la mort, le débarquement, la débâcle allemande et la Libération (ouf !). Lelouch veut nous faire le Soldat Ryan, le Pianiste et la Liste de Schindler en même temps. Le problème, c'est qu'il n'est ni Spielberg, ni Polanski. On aimerait du souffle, de l'épique, du grandiose... On n'a qu'un best-of poussif et incohérent de la deuxième guerre mondiale.

On retrouve également dans Ces Amours-là l'intégrale des tics lelouchiens, que ce soit les dialogues affligeants de niaiserie ("- Qui va gagner la guerre ? - L'amour, comme toujours") ou la musique assénée jusqu'à écœurement. Et surtout, cette ahurissante autosatisfaction dont la revendication a au moins le mérite de ne pas manquer de culot. Ainsi, histoire de nous rappeler qu'il tourne depuis cinquante ans, Claude Lelouch n'hésite pas à citer tous ses films dans une même séquence. Cet invraisemblable élan mégalomane est assez vain et d'un ennui mortel.
Le générique de fin est donc une vraie libération. Pour l'anecdote, je n'ai pas le souvenir d'avoir quitté une salle de cinéma aussi rapidement...

(PS : une demie-étoile quand même, parce que voir un nazi jouer la Marseillaise est plutôt rigolo)

Verdict :

samedi 25 septembre 2010

Les Arrivants


Dans la série "les films que je vais voir bien après leur sortie"...

Claudine Bories et Patrice Chagnard ont filmé dans ce documentaire le quotidien d'une Cafda parisienne (Coordination pour l'Accueil des Familles Demandeuses d'Asile), organisme chargé d'aider les dites familles à trouver un logement et à les aiguiller dans le labyrinthe administratif qui se dresse devant elles.

Les Arrivants est un film captivant en ce qu'il révèle la part d'héroïsme de chacun de ces protagonistes. Celui des assistantes sociales, évidemment, qui, avec des moyens très limités, doivent composer avec un sentiment d'impuissance permanent et parfois difficile à accepter. Mais aussi celui des demandeurs d'asile, qui ont bien souvent connu un parcours chaotique pour arriver jusqu'en France, et se trouvent découragés face à des procédures incompréhensibles.

Le film réserve ses moments de rire et ses moments d'émotion, il est aussi un superbe outil de réflexion sur le droit d'asile.

Verdict :