dimanche 13 février 2011

Black Swan


A New York, Nina est prête à tout pour devenir une grande danseuse étoile. Lorsqu'on lui confie le rôle principal dans Le Lac des Cygnes, c'est un rêve qui se réalise. Mais si son irréprochable technique fait d'elle une candidate toute désignée pour incarner le cygne blanc, son perfectionnisme est un obstacle pour danser le cygne noir.

Abnégation, obsession de la perfection, douleur physique, frustration sexuelle, passage à l'âge adulte, schizophrénie. Black Swan montre comment sa quête de la plénitude artistique va entraîner Nina dans une véritable dérive psychologique. Une œuvre taillée sur mesure pour Darren Arronofsky, cinéaste aussi doué que crépusculaire.

Si l'on est assez loin de l'hystérie formelle de Requiem for a Dream, Black Swan n'en est pas moins un film extrêmement démonstratif. Arronofsky a pris le parti de ne jamais s'écarter de motifs visuels qui éclatent comme une évidence : omniprésence des reflets pour illustrer la schizophrénie et le rapport à soi-même, prédominance à l'écran de l'opposition blanc / noir. Ce n'est que lorsque Nina s'aventure en discothèque, s'écartant pour une fois de l'intransigeante discipline qu'elle s'impose, que le film retrouve, le temps d'une scène, quelques couleurs. Les personnages qui entourent Nina participent également à cet élan de symbolisme : une mère possessive, un metteur en scène tyrannique, une rivale délurée comme un portrait en négatif de l'héroïne.

On pourrait ainsi reprocher à ce Black Swan une tendance au surlignage abusif. C'est sans compter sur la mise en scène de Darren Arronofsky, qui fait état d'une virtuosité pour laquelle aucun superlatif ne semble à la hauteur. Chaque scène de danse est d'une extraordinaire intensité, et le cinéaste parvient au sommet de son art lors d'une dernière demie-heure époustouflante. Aux frontières du thriller et du fantastique, il fait de Black Swan un film fiévreux, baroque et passionné.

Un dernier mot pour la prestation de Natalie Portman sans qui ce film n'aurait probablement pas été une telle réussite artistique. Au-delà de la seule performance technique (elle aurait travaillé plusieurs mois pour apprendre les bases de la danse classique), l'actrice incarne à merveille tout ce que son héroïne peut avoir de tragique et d'ambigu. Ce rôle marquera à coup sûr un tournant dans sa carrière... avec, peut-être, un premier Oscar à la clé.

Verdict :

5 commentaires:

  1. Je t'avais dis qu'il valait le coup plus que Hunted c'est sur!!! juste une précision c'est quoi un "lan de symbolisme" ? peut-être juste une coquille!!!
    Emeline

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  2. Oups, c'était bien une coquille, il faut lire "élan". Merci de ta remarque, c'est corrigé.

    (Dis-moi, c'est que t'as des envies suicidaires que tu t'amuses à regarder un truc avec Kim Basinger ?)

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  3. Critique très juste Guillaume. Cette opposition continuelle noir/blanc dans le film est en effet étouffante et surfaite. Cette esthétique dichotomique manque cruellement de finesse, c'est ce que je reproche à trop de films hollywoodiens (américains ?): une surabondance de symboles pompeux comme pour souligner ou expliciter l'importance de certaines scènes (de peur que les spectateurs ne comprennent pas le film d'eux même ?). C'est en quelque sorte un cinéma prémâché qui laisse trop peu de place à l'interprétation et l'imagination du spectateur.

    D'un point de vue technique et cinématographique, il flirte avec la perfection, mais l'ensemble manque cruellement d'âme. On est loin de sa période noire avec PY ou même Requiem for a dream (que je n'affectionne pas pour autant)., des films qui transmettaient de réelles émotions.

    Bref, c'est propre est bien mené, mais je trouve que le succès croissant d'Aronofsky ne fait que trahire l'évidence d'une oeuvre de plus en plus tournée vers le recherche du succès commercial plutôt que l'expérimentation/la création artistique comme à ses débuts.

    Donc critique juste, mais je ne crois pas qu'il faille voir ce film comme le signe d'un épanouissement artistique de ce directeur. Ironiquement, Aronofsky qui, dans Black Swan nous montre que l'épanouissement et l'affirmation de soit peut (doit ?) passer par l'expérimention de son côté sombre, tend à traîner avec les cygnes blancs.

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  4. C'est vrai, "finesse" est sûrement un des mots qui convient le moins pour qualifier Black Swan : tout y est sur-démontré.

    Faut-il y voir une volonté d'Arronofsky de proposer une version "pour les nuls" de son cinéma ? Par son indéniable virtuosité, je préfère voir dans Black Swan un film délibérément malade et exalté.

    Mais, je te l'accorde, cela revient à accorder au réalisateur le bénéfice du doute.

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  5. Non bien entendu, j'exagérais, je n'y voyais pas réellement la volonté de proposer une version pour les nuls, je dirais plutôt une version grand publique où on laisse la subtilité et l'ambiguité de côté pour s'assurer que les spectateurs ne s'y perdront pas.

    Enfin quoiqu'il en soit, je ne suis pas fan d'Aronofsky (sauf Py et... je dois bien avouer The Wrester pour son côté "Dardenne") Je lui ai toujours reproché de vouloir faire de l'art et Essai à la sauce Hollywoodienne. On regarde, on apprécie, jusqu'à ce qu'un élément de trop vienne détruire ce qui avait forgé une opininion positive du film (il est très bon pour faire des fins on ne peut plus consensuelles, c'est d'un navrant).

    Donc si par "indéniable virtuosité", tu entends sa capacité à réaliser de belles scènes précises et travaillées, tel le cygne blanc qui s'applique à exécuter ce qu'on lui a appris, oui je te l'accorde. Mais je trouve que malgré ses qualités de créateur de films, il n'a pas su affirmer un style initialement prometteur.

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